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Un été à Tokyo
13 juillet 2007

Temples et cimetière le jour

Mont_Koya_051La ville est très calme, quasiment déserte. Elle compte de nombreux temples semblables au nôtre, plus ou moins grands. C'est avec surprise que nous constatons la présence de splendides massifs d'hortensias bleus le long de la route: on se croirait presque en Bretagne, l'espace d'un instant! Quelques boutiques éparses proposent aux pélerins chapelets, livres de prières, statuettes, talismans et autres objets religieux. Petit arrêt à la supérette du coin pour acheter un second petit déjeuner, puis nous nous rendons au Kongôbu-ji, le temple principal de l'école Shingon, parmi 3600 temples disséminés à travers le pays.

On peut y admirer quelques superbes peintures sur portes coulissantes (et d'autres de qualité bien moindre), jalousement gardées par les bonzes. Non seulement il est interdit de les photographier, mais aucun livre vendu à la boutique ne les montre correctement. Allez savoir pourquoi, ce sont les peintures les moins réussies qui sont reproduites en pleine page, tandis qu'on ne peut voir les plus belles qu'en format vignettes. Je note par contre un livre entièrement consacré à la cuisine des moines du Mont Koya. Ce qui me fait grogner: "Ah ce sont de fins gourmets, c'est sûr! Les prières pour les morts, ils ne savent pas ce que c'est, mais par contre pour la nourriture ils se font plaisir! Tu parles de religieux!" A côté, Pierre me jette un regard mi-étonné mi-amusé.

Le Kongôbu-ji abrite également le plus grand jardin de pierres du Japon: le Banryu-tei, qui évoque deux dragons émergeant d'une mer de nuages. Bien qu'il soit plus spectaculaire que celui du Ryôan-ji à Kyoto, il n'arrive pas à m'émouvoir. Est-ce parce que je suis irritée? Dans mon souvenir, le jardin du Ryôan-ji me semble plus subtil, moins tape-à-l'oeil. De toute façon, les endroits dépouillés m'ont toujours semblé plus propices à la méditation.

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Nous déjeunons dans un boui-boui en ville: Pierre d'une assiette de curry improbable (qui le dégoûte du curry japonais), moi d'un bol de porc pané sur un lit de riz. Comme je m'y attendais dans ce coin de montagne hors saison, la viande n'est pas de la première fraîcheur.

Cette fois-ci, c'est en plein jour que nous visitons le cimetière Okuno-in. Les ténèbres dissipées, celui-ci perd son aspect fantômatique et inquiétant. Il ne reste qu'une belle forêt de cèdres propice à la quiétude et à la promenade.

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Nous dépassons à présent la limite de notre promenade de la veille. Sur notre gauche, après la rivière, nous remarquons un petit attroupement. Un Japonais est en train de plonger le bras dans une sorte de cabine ajourée. Après avoir manipulé quelque chose, semble-t-il, il se retire piteusement. Ses compagnons gloussent, et le petit groupe s'éloigne. Nous nous approchons pour mieux voir. A l'intérieur de la cabine repose une pierre ronde et grosse comme un respectable melon. C'est le Miroku-ishi, un galet que les pélerins s'escriment à soulever pour la poser sur une étagère. On dit que le poids de la pierre égale le poids des péchés de celui qui la porte. Je tente de la soulever, en vain. Ca me paraît impossible... Aurais-je la conscience si chargée? xsgrin Non seulement je trouve la pierre trop lourde pour une seule main mais elle n'est pas facile à saisir. Je n'arrive pas à trouver de prise, elle roule tout de suite et m'échappe. Pierre essaye à son tour. Il triture un instant la pierre, puis retire sa main, un grand sourire sur le visage. Je regarde à l'intérieur de la cabine: le galet est posé sur l'étagère... Hé hé, j'aime les hommes forts! love

Tout au bout du cimetière Okuno-in se trouve la fameuse Salle des Lanternes, le Tôrô-dô, avec ses centaines de lampes dont deux brûleraient depuis plus de 900 ans. Là encore, je ne peux m'empêcher d'être déçue: les alignements de lampes fonctionnent en fait à l'électricité. Bien que je conçoive que cela limite les risques d'incendie (et l'entretien!), j'y trouve tout d'un coup moins de charme. Nous ne localisons pas les fameuses lampes quasi-millénaires, ce qui me laisse l'espoir qu'elles brûlent d'une véritable flamme, elles.

Derrière le bâtiment de la Salle des Lanternes, un bonze souriant allume de l'encens devant un autel. Il s'agit sans doute du mausolée de Kûkai, le fondateur de l'école Shingon. Une vieille Japonaise jette de l'argent dans une boîte prévue à cet effet, fait une prière puis s'en va. On n'est jamais mieux servi que par soi-même: accordons-nous ce que les bonzes du Shojoshin-in nous ont refusé ce matin! Je me remémore les gestes appris dans mon enfance. A notre tour, nous jetons quelques pièces dans la boîte. Devant l'autel je joins les deux mains en prière. Du coin de l'oeil, je vois Pierre faire de même et cela m'attendrit. Je suis contente qu'il fasse ce pas vers ma culture d'origine. Il priera pour ses parents, et moi pour mes grands-parents et arrières grands-parents, dont mes propres parents m'ont raconté récemment la passionnante histoire. Suis-je croyante? Peut-être... Si les morts ont une âme et qu'ils entendent nos prières, alors ils recevront celles-ci. Si tout cela n'est pas, alors nous mettons tout simplement nos pensées en ordre par rapport à notre famille, et c'est bien aussi. La vie, les choses, ont le sens qu'on veut bien leur donner.

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